La ville moyenne et son territoire : Pistes pour un développement écologique
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Motion soumise au Conseil Fédéral d’Europe-Ecologie-les-Verts suite à l’interview d’élu·e·s : : Anne Perrin (Lons-Le-Saunier, Jura), Loïc Minery (Mulhouse), Tahar Bouanane (Thiers), et suite à l’entretien de sénateurs du Groupe écologiste du Sénat : Jacques Fernique (sénateur du Bas-Rhin), Daniel Salmon (sénateur d’Ille-et-Vilaine), Guy Bénarroche (sénateur des Bouches-du-Rhône), Fabien Duquesne pour Guillaume Gontard (sénateur de l’Isère), Eléonore Piot pour Monique de Marco (sénatrice de Gironde).

Exposé du cadre

Définitions : ville moyenne, aire urbaine, archipel

La définition de Ville Moyenne varie selon le groupe qui la définit (association d’élu·e·s, chercheur·se·s, État, ORATE[1], etc.). Pour la clarté de nos propos, nous proposons de retenir la définition suivante de Ville Moyenne :

  • Commune centre de 20 000 à 100 000 habitant·e·s (20% de la population française)
  • Zone à continuité urbaine d’une densité supérieure à 300 habitant·e·s/km2
  • Pôle d’emploi et de service dans le cadre d’un territoire urbain fonctionnel

Notre réflexion ne se limite pas à la ville moyenne intramuros. Elle intègre l’ensemble de son territoire, à savoir une aire urbaine comprenant quelques petites communes en première couronne et une constellation de villages ruraux en deuxième couronne.

Nous définissons ce territoire comme un archipel, ensemble non hiérarchisé de communes possédant un centre bourg et reliées entre elles par des relations d’influence : déplacement, emploi, commerces, etc.

Nous excluons de notre réflexion les communes touristiques côtières, les villes frontalières, celles situées dans l’aire urbaine d’une métropole et celles situées dans les DROM (Départements et Régions d’Outre-mer) qui possèdent des caractéristiques spécifiques, pour nous pencher sur toutes les autres, soit environ une centaine de villes aux problématiques plus communes.

Des enjeux différents selon les villes…

Toutefois, et malgré ces limites, une ville moyenne de 20 000 habitant·e·s aura des enjeux différents de ceux d’une ville de 100 000 habitant·e·s. Il existe des villes au centre d’aires urbaines très importantes, des villes très liées aux polarités des métropoles, bien que ne faisant pas partie de l’espace métropolitain (Ex : Libourne avec Bordeaux, Saint-Etienne avec Lyon), ou des villes dans une grande autonomie par rapport aux métropoles (Ex : Thiers). Il existe des villes moyennes qui disposent d’un fort dynamisme démographique et économique tandis que d’autres, souvent anciennement spécialisées dans le tissu industriel, subissent une décroissance économique et démographique. Les différences d’enjeux entre ces villes s’expliquent par leurs positions géographiques, leurs relations d’influence, par l’histoire des derniers siècles et des espoirs et des blessures hérités, et enfin par les influences territoriales qui les traversent actuellement (patrimoine, desserte en transport en commun, attrait touristique de la région).

Cette diversité impose une clé importante dans la manière d’appréhender la ville moyenne : il n’existe pas de solution toute faite pour penser le futur de ces villes moyennes ; il convient de comprendre leur singularité pour décrire les enjeux qu’elles traversent et y mettre en œuvre des solutions politiques. Chacune des solutions proposées doit être en accord avec l’héritage social et économique de la ville et de son milieu. En puisant dans leurs propres singularités, elles peuvent devenir des lieux d’héritage culturel, de créativité et de relation qui pourraient bien guider les territoires résilients de demain.

… Mais des enjeux communs pour les populations

Malgré les différences énoncées, on retrouve des profils similaires dans les villes moyennes, avec des niveaux d’intensité différents : ce sont des territoires qui peuvent concentrer en leur sein ou en proximité directe des populations paupérisées, pas toujours là par choix, souvent contraintes dans leur vie entre fin du mois et fin du monde. Alors que les villes moyennes devraient répondre aux besoins des plus modestes et des plus contraints en termes de cadre de vie (prix du foncier, densité modérée avec de l’urbanité, offres de services publics et commerciaux, etc.), force est de constater que loin d’améliorer leur situation, celles-ci ont au contraire tendance à retenir ces populations (pauvres, âgées, certaines catégories de jeunes) et à les maintenir dans des situations où elles sont toujours les « dernières de cordées ».

C’est donc un enjeu de premier ordre pour l’écologie politique de faire en sorte que la ville moyenne devienne désirable pour l’ensemble des populations, sans laisser les plus fragiles sur le bord du chemin.

La ville moyenne, une alternative possible à la métropole

Les villes moyennes peuvent représenter une alternative à la métropole, présentant les qualités d’un environnement urbain à la fois proche de la nature et bien ancrée sur son territoire.

Pour certain·e·s, la vie en métropole génère des souffrances ; les corps fatiguent, la qualité de vie est à un prix très élevé et les liens se dissolvent à travers le territoire. Ce constat conduit les habitant·e·s des métropoles à s’interroger. La métropole n’est plus l’ultime horizon.

Un mouvement de populations semble apparaître depuis le premier confinement dû au COVID, allant des métropoles vers des villes moyennes[2]. Des citadin·e·s métropolitain·e·s choisissent de s’installer dans une ville moyenne, à la recherche d’économies, de gain d’espace de vie, de jardin, de sérénité et de lien avec un territoire, avec leurs semblables et un milieu plus vivant. De plus, le prix de l’immobilier y reste raisonnable pour les ex-métropolitains. Il convient donc de rechercher les moyens, les actions, les récits pour installer les villes moyennes comme villes désirables.

La ville moyenne, une échelle humaine pour l’action citoyenne et écologique

L’échelle de la ville moyenne est propice pour réfléchir, tester et déployer des outils pour la mise en œuvre de politiques écologiques :

  • L’archipel des communes du territoire doit permettre de générer une réflexion quant aux mobilités, mais aussi aux moyens de coopérations afin de mettre en place un réseau polycentrique équilibré.
  • Cette échelle est également pertinente pour mettre en place des politiques d’écologie urbaine dans lesquelles le territoire est appréhendé comme un métabolisme qui remplace la vision fragmentée et sectorisée de la ville et de son territoire par une vision globale et holistique.
  • C’est enfin une échelle pertinente pour mettre en place des expérimentations de gouvernance partagée et de participation citoyenne.

Exposé des motifs

Des terres agricoles grignotées, des villes peu connectées aux sources d’alimentation locale, des habitant·e·s en demande

  • Les terres agricoles du périurbain sont régulièrement grignotées par les lotissements, les zones d’activités et les voiries permettant de les desservir. Et en parallèle, les désirs des habitant·e·s se portent encore beaucoup sur des maisons individuelles neuves hors des centres urbains.
  • Le degré d’autonomie alimentaire des 100 premières aires urbaines françaises est de 2%[3] : la part du local (rayon de 100 km autour du lieu de consommation) dans la totalité des produits agricoles incorporés dans les produits alimentaires consommés reste très marginale. Autrement dit, 98% du contenu des aliments consommés localement sont importés. Et la raison n’est pas une carence de production alimentaire sur les territoires en question, puisque dans le même temps, 97% de l’agriculture locale des 100 premières aires urbaines finit dans des produits alimentaires consommés à l’extérieur du territoire. Même si les logiques agricoles impliquent des spécialisations – tous les territoires ne peuvent pas produire tous les aliments nécessaires – la situation actuelle présente une part locale très faible.
  • La ville moyenne, par sa géographie et son échelle, permet néanmoins la mise en œuvre de systèmes d’alimentation beaucoup plus locale : elle est entourée de territoires agricoles, présentant des potentiels de production variés, les distances aux lieux de consommation sont courtes, les accès sont plus faciles que dans les métropoles. La ville moyenne doit être un lieu privilégié de mise en place de systèmes alimentaires durables.

L’extrême domination de la voiture dans les villes moyennes

  • “Plus tu habites en milieu rural, moins tu marches”. La voiture est omniprésente dans les villes moyennes, pour le moindre déplacement : familial, professionnel, personnel. L’espace est organisé par et pour la voiture, en faisant une nécessité absolue ; les activités de la vie quotidienne sont scandées par des déplacements en voiture vers/depuis des bureaux, des centres commerciaux, des zones d’activité et souvent même, vers la boulangerie du coin !
  • Même si on arrêtait aujourd’hui de construire dans les premières et deuxièmes couronnes des villes moyennes, le pavillonnaire est déjà là et engendrera encore longtemps des déplacements pendulaires vers le centre-ville, ou vers les zones d’activités situées en périphérie. Les embouteillages en entrées et sorties de ville sont de plus en plus fréquents, ainsi que leurs effets néfastes : pollution de l’air, pollution sonore, perte de temps, individualisation des problèmes.
  • Pour permettre aux habitant·e·s de faire vivre le centre-ville, des parkings sont maintenus dans les centres villes ou au mieux à l’entrée du centre, ce qui ne n’incite pas les habitant·e·s à laisser leur voiture à la maison.
  • Dans les villes moyennes, les transports en communs ne sont pas organisés pour gérer les déplacements fréquents et rapides à l’échelle de l’archipel.
  • Glissement sémantique : la rue a fait place à la voirie. Dans les villes moyennes, sauf pour quelques rues parfois piétonnes ou végétalisées, les rues marchables sont minoritaires au regard de l’ensemble des rues. Les voitures occupent la part la plus importante de l’espace public.
  • Même si certaines font exception (Ex. Mulhouse-Colmar-Sélestat), entre les villes moyennes, l’offre ferroviaire est très limitée. Là aussi la voiture est le plus souvent choisie.
  • Il y a une forte corrélation entre des phénomènes comme l’aménagement routier, l’artificialisation des sols, le développement de centres commerciaux, le manque de transports en communs, le manque de commerces de proximité, la désertification des centres villes. Ces phénomènes agissent les uns sur les autres dans un cercle vicieux de causes et d’effets.

Des centres-villes en déshérence, une population qui vieillit ; une opportunité pour repenser le lien entre nous tou·te·s

  • Les centres villes des villes moyennes se désertifient au profit de lotissements dans les communes périphériques. Les maisons des villes se dégradent et les logements sont de plus en plus vétustes. Les banques et les assurances remplacent les commerces de proximité. Or, en sus du fait que nos centres-villes sont un patrimoine à préserver, ils présentent des qualités indéniables et ancestrales, de densité, de production de lien social, de créativité et d’urbanité.
  • Les centres-bourgs des petites villes de la première couronne subissent souvent le même sort.
  • Les secteurs sauvegardés compliquent le renouvellement urbain. Face à certaines réglementations trop restrictives ou contraignantes, il devient de plus en plus difficile d’obtenir des permis de construire. Les centres-villes peinent à évoluer. S’il est essentiel de protéger le patrimoine architectural, il est non moins essentiel de ne pas le figer dans le temps et de lui permettre d’évoluer.
  • Les droits de mutation pour l’achat de bâti existant, corrélé à la disparité de l’impôt foncier entre les communes périphériques et la ville centre, rendent plus accessible la construction de maisons neuves de plus en plus éloignée que l’achat de bâti existant dans la ville centre ou les centres-bourgs.
  • L’impôt foncier est uniquement calculé sur le bâti et ne prend pas en compte la taille de la parcelle. Par ailleurs, le prix du foncier diminue à mesure qu’on s’éloigne de la zone urbaine. La corrélation de ces deux facteurs n’incite pas à la frugalité spatiale et aggrave le grignotage des terres agricoles.
  • Du fait de la dissociation entre les évolutions sociétales (décohabitation, croissance) et la construction, et de la préemption de logements pour des plateformes de type AirBnB, les prix de l’immobilier augmentent[4] et rendent de plus en plus difficile l’accès à la propriété pour les populations locales et notamment les jeunes ménages.
  • La population française vieillit. En France, la natalité baisse et l’espérance de vie augmente. D’ici 2060, le nombre de personnes de 60 ans et plus en France devrait augmenter de 10 millions de personnes, représentant 54% de la population (contre 22% aujourd’hui). Cela demande de repenser l’aménagement du territoire, l’accès à la santé, les mobilités, de trouver des formes hybrides d’habitat (colocation intergénérationnelle par exemple) et de proposer un service public adapté, en particulier dans la tranche d’âge 75 – 85 ans, qui est un moment de la vie où l’activité baisse, et où il peut y avoir une perte d’autonomie. Les villes moyennes vieilliront plus vite que la moyenne nationale : elles ont capté une grande partie de l’exode rural des années 60 et sont une destination naturelle des populations vieillissantes du territoire (dans les maisons seniors, 70% des personnes viennent du département même). A ce jour, 60% des retraité·e·s habitent en maison individuelle et ont ou auront à court terme besoin d’accompagnement dans leur vie quotidienne et dans leurs déplacements.
  • Les villes moyennes concentrent les populations paupérisées, notamment dans les QPV [5]. Selon l’ANCT [6], on en comptabilise 451 dans 88% d’entre elles, pour 1 460 000 habitant·e·s. Dans ces territoires comme dans les petites villes, la mixité sociale s’étiole largement : les plus aisés – ou les moins modestes – se tournent vers la maison ou le pavillon avec jardin dans les périphéries proches. De l’autre côté, les populations les plus défavorisées sont concentrées dans les centres-villes parfois désertés, avec des logements souvent de très faible qualité, à l’urbanité chancelante à cause des périphéries commerciales mortifères.
  • La mixité sociale est par ailleurs souvent mal réalisée, puisque la loi SRU [7] n’impose rien sur la typologie et la catégorie des logements, ni sur le “zonage”. Les villes moyennes sont donc souvent en proie à des concentrations de logements sociaux, notamment pour des catégories les plus pauvres, qui favorisent l’émergence d’un entre-soi mais aussi d’un éloignement du reste du territoire, encourageant le mal-vivre territorial et le mal-être de ces populations.
  • Enfin, on constate une déshérence du vote dans les villes moyennes, accrue dans leurs quartiers populaires. Il n’y a ici pas de hasard, du fait d’un sentiment constant – souvent justifié – de relégation par les politiques. Y compris de gauche. Y compris écolos. Cette déshérence est aussi le résultat d’un paternalisme constant de la part des mouvements politiques à l’égard des populations pauvres et plus spécifiquement des quartiers populaires : on les arrose de politiques publiques – ce qui est nécessaire – sans considérer les richesses, connaissances, compétences qui sont les leurs, sans considérer leur pouvoir d’agir, d’initiative et d’expérimentation.

Motion

Les villes moyennes doivent être positionnées au cœur des politiques d’aménagement du territoire pour les années à venir. C’est la raison pour laquelle, Europe-Ecologie Les Verts prend position autour des premières bases suivantes, qui seront à compléter et détailler : 

En matière d’agro-écologie urbaine

  • Agir sur la déspécialisation de nos territoires, c’est-à-dire recouvrer une part de notre capacité productive pour répondre aux besoins alimentaires locaux, autour de la notion de « résilience alimentaire » impliquant une nécessaire diversification de notre agriculture : produits locaux et produits nécessaires caloriques (céréales, légumineuses).
  • En parallèle, l’autonomie alimentaire d’un territoire ne pouvant être totale et les filières constituées nécessitant des échanges qui dépassent le seul territoire intercommunal, développer les solidarités territoriales à l’échelle régionale, nationale et européenne.
  • En sus de la nécessaire sanctuarisation des zones agricoles existantes, créer des zones agricoles de proximité, permettant la relocalisation des productions les plus absentes du territoire (selon les caractéristiques pédoclimatiques pour y favoriser des cultures adaptées). Ces espaces devront prendre en compte la relocalisation de la production agricole, mais aussi de la transformation et de la distribution (logistique et choix dans le mode de distribution, boutique, coopérative, marché, combinaison de plusieurs types, etc.). Ces écosystèmes réduiront l’empreinte écologique des produits, créeront des emplois, permettront de promouvoir une transition agroécologique que la population appelle de ses vœux [8], renforceront le lien des habitant·e·s à leur territoire, amélioreront la compréhension des enjeux agricoles et écologiques.
  • Renforcer ces zones de proximité par des corridors de production potagères/maraîchères/fruitières, traversant les villes et villages, créant des continuités entre les zones agricoles de production et les zones urbaines de consommation, organisant le paysage des villes moyennes autour des activités agricoles, permettant aux habitant·e·s des villes moyennes de découvrir le maraîchage et de pratiquer le jardinage.
  • S’appuyer sur les outils existants. Par exemple, en s’appuyant sur le Projet Alimentaire Territorial, organiser des continuités maraîchères combinant des zones agricoles de proximité et des jardins vivriers jusqu’au cœur des quartiers et des centres-villes. La zone de proximité est cultivée par des agriculteur·rice·s dans des Pôles Agricoles de Proximité [9], sur des terrains privés ou publics. Plus on rentre dans la ville, plus les habitant·e·s participent par le biais de jardins familiaux, partagés ou privés, dont on doit encourager le décloisonnement des parcelles, pour renforcer la coopération et les continuités écologiques.
  • Cartographier à l’échelle communale et intercommunale les espaces susceptibles d’accueillir des activités agricoles urbaines (espaces délaissés, friches, espaces pollués, toits…). Pour les friches urbaines artificialisées, une attention particulière sera portée sur l’articulation des nécessaires enjeux de densification pour l’accueil de nouvelles populations et la création de jardins productifs.
  • Dans les PLUi des villes moyennes, à l’image des EVP (Espaces Verts Protégés), créer une nouvelle zone : la ZMP (Zone de Maraîchage Protégée), visant à sanctuariser des zones maraîchères existantes ou à créer en périphérie et à l’intérieur des villes. Elles pourraient permettre aux habitant·e·s ou aux maraîchers d’installer une activité pérenne. Ces ZMP pourraient aussi permettre à la municipalité d’acquérir des terres de façon proactive et sur opportunité, pour les confier à des agriculteur·rice·s et accompagner leur installation. Enfin, connecter entre elles les zones agricoles et ZMP à des fins de création de ceintures vertes et des corridors de jardins productifs.
  • Organiser en régie l’achat et la distribution des récoltes produites localement. L’autorité organisatrice de cette régie sera la structure de gouvernance du PAT s’il en existe un sur le territoire, ou la chambre d’agriculture le cas échéant. La régie sera nécessairement structurée sous forme de coopérative ou d’association auxquels les acteur·rice·s locaux·ales devront être associés.
  • Favoriser l’installation de marchés dans des zones relais en centre-ville ou dans les périphéries des villes. Accompagner la création de magasins de producteurs locaux dans les QPV.
  • Aider les exploitations existantes à la conversion en bio en garantissant aux producteur·rice·s BIO l’achat de leurs produits par les acteurs municipaux (cuisines centrales, écoles, EPHAD, etc.)
  • Dans chaque ville moyenne, créer une délégation à l’agriculture urbaine comme espace de gouvernance partagée entre les porteur·se·s de projets, les collectivités alentour, les institutions, le monde de la recherche, les acteur·rice·s du monde agricole et rural, afin de relier agriculture urbaine et agriculture du territoire et de créer un espace collaboratif.
  • Organiser des formations au maraîchage et à la cuisine végétale pour les agent·e·s des services techniques (cuisines centrales ou collectives) et pour les citoyen·ne·s.

En matière de déplacements

  • Comme grands principes pour l’action – Avoir la liberté de bouger, mais aussi de ne pas bouger en restant dans son quartier ou son village si on le souhaite. Revitaliser les quartiers et les villages périphériques à travers la notion d’archipel : chaque quartier a sa vie propre, n’est pas dépendant du centre-ville, et est en relation avec les autres îlots. Trouver toutes les clés d’aménagement pour réduire les distances.
  • Comme grand principe pour l’action – Créer des structures et des outils de gouvernance permettant une participation active des habitant·e·s, qui connaissent bien leur ville et leurs habitudes de déplacements. Ces structures pourraient par exemple être portées par les Communautés d’Agglomération ou les départements, qui sont un échelon important pour les transports et à une échelle géographique proche des habitant·e·s. Toute décision en termes de transport et d’aménagement liés doit être prise en co-construction avec les habitant·e·s. Aussi les idées ci-dessous, fortes en termes d’objectif, doivent être mises à l’épreuve des pratiques du territoire.
  • Comme grand principe pour l’action Réaffirmer une hiérarchie des mobilités dans l’espace public urbain, allant du plus faible au plus fort : piétons / cycles / autres mobilités douces / transports en commun / voitures et véhicules à moteur.
  • En termes de financement, toujours privilégier les projets de transport en commun et de développement de la pratique de la marche et du vélo, malgré les difficultés, et identifier les voies de financement durable et pérenne. Augmenter le versement mobilité des entreprises, aujourd’hui de 2,5% maximum. Augmenter l’incitation des entreprises à leurs employés pour des transports propres, pouvoir cumuler dans le Forfait Mobilité Durable la prise en charge d’un abonnement transports en commun et une prime « vélo » (achat ou distance parcourue). Inclure les moyens de transports travail-domicile dans les évaluations RSE des entreprises. Instaurer une taxe sur les emplacements parking dans les centres commerciaux et la redistribuer au financement de transports propres.
  • Dans les villes moyennes, puisque les ZFE ne sont pas obligatoires, privilégier le développement des zones à trafic limité (ZTL). Les zones à trafic limité permettent de gérer finement la circulation de tous les véhicules (fréquences, horaires, motorisation) sur la base de leur utilité réelle dans la zone. Leur contrôle systématique est également légalement simple dans l’état actuel du droit. Le produit des amendes correspondantes doit être utilisé pour financer les autres politiques de transport écologique.
  • Organiser les déplacements aux différentes échelles de l’archipel afin qu’il soit plus simple, plus rapide et plus agréable de se déplacer sans sa voiture qu’avec sa voiture. Travailler sur un modèle ayant pour base la mise en place de parcs relais / zones de services dans les villes de la première couronne, situés sur les axes pénétrants (par exemple en utilisant les parkings existant des centres commerciaux). Ces parcs relais doivent être des points de départ pour les bus/trams, le covoiturage, les pistes cyclables. Ces parcs relais doivent également être des centres de services : parking vélos avec location de courte durée de vélos/vélos cargos, avec ou sans assistance électrique, service de réparation vélo, courses, garderies, soins, services publics, services autres (nettoyage de voitures).
  • La voiture restera présente dans les territoires des villes moyennes, il convient donc d’en faire un usage le plus intelligent possible. Entre les zones rurales/périurbaines et les zones urbaines, développer des systèmes de transport à la demande : transport individuel ou collectif (minibus) point-à-point à un horaire non fixe choisi par le client, organiser les « réseaux pouce » (autostop organisé). En général et depuis les parcs relais, organiser le covoiturage : organiser des concours entre villes, développer des systèmes de bonus locaux pour les meilleurs covoitureurs, autoriser la publicité des applications de covoiturage, faire des campagnes locales de promotion, autoriser les covoitures à prendre les voies réservées. L’autopartage est une voie à faire émerger. Réserver des places gratuites pour les opérateurs d’autopartage dans les parkings publics. Dans tous les nouveaux quartiers, privilégier la création de parkings communs en entrée de quartier, mettre en place des expériences de parc de voitures partagées dans les hameaux et bourgs périphériques, connecter les quartiers aux réseaux de transports en commun.
  • Mettre en service des bus-navettes et/ou des trams (pour les villes moyennes les plus grandes, là où c’est possible) partant régulièrement des parcs relais et prioritaires. La fréquence doit être inférieure à 15 minutes. Prioriser les trajets qui desservent les collèges et lycées. Réaménager les abords des arrêts afin qu’ils deviennent des lieux d’activités (commerces, promenades, bureaux, etc).
  • Les distances dans l’archipel des villes moyennes doivent permettre un large développement de la marche. Les seniors par exemple marchent dans un rayon allant jusqu’à 300 mètres. Quand la typologie et les accès le permettent, créer des zones trafic limité (ZTL – 20 km/h), aux voies sûres et agréables afin de développer les déplacements à pied, et de ne pas interdire complètement les autres circulations (les voies 100% piétonnes compliquent l’accès aux PMR par exemple). Créer des parcours, valoriser les paysages.
  • Créer sur les axes à fort trafic des voies cyclables sécurisées, en faisant appliquer la LAURE et en s’inspirant des modèles réussis existants : les distances dans les aires urbaines des villes moyennes doivent permettre un large développement de la pratique du vélo.
    • En termes d’aménagement, travailler sur les continuités : créer de grands axes traversants dédiés aux mobilités actives, qui sortent du centre-ville et qui vont dans la campagne. Insérer dans les PLU, l’obligation de créer à minima autant de places de stationnement vélo que de stationnement voiture dans les bâtiments comme dans les espaces urbains.
    • En termes de matériel, innover sur les systèmes incitatifs à l’utilisation d’un vélo : système de location de VAE (type Véligo), renforcer les primes à l’achat de VAE, prime au nombre de km roulés, cumul possible avec les transports en commun dans le FMD (Forfait Mobilité Durable) disposer facilement de lieux d’économie circulaire (réparation, ressourcerie, recyclerie > 1 pour 10 000 habitant·e·s). Centrer l’incitation sur les collégiens, moment où on devient indépendant et où on a besoin de se déplacer. Ne pas oublier les seniors, inciter à l’acquisition de vélos à cadre bas abrités, voire cargo. 
    • En termes d’acculturation, proposer des cours de conduite vélo à tous ceux qui en ont besoin, à tous les âges : en primaire et au collège, aux seniors.
    • En termes d’aménagement des voies, obliger à la concertation préalable en réactivant par exemple les commissions locales de sécurité routière en donnant une place prépondérante aux associations d’usagers et prendre en compte les échanges des publics les moins en sécurité, pour mieux prendre en compte les difficultés voire discriminations vécues (enfants, jeunes, femmes, personnes âgées).
    • En termes d’aménagement toujours, introduire le principe de “réseau cyclable paysager” pour penser les aménagements cyclables dans une optique de confort climatique, combinant aide à la pratique quelle que soit la saisonnalité et adaptation au changement climatique.
  • Favoriser et multiplier les modes de transports scolaires (bus, vélo-bus, pédibus) des jeunes afin de libérer les parents des déplacements contraints, facilitant ainsi la “démobilité” individuelle, nocive en termes de pollution et de temps disponible. Cela permettra par ailleurs de libérer les femmes malheureusement très souvent encore en charge de ces déplacements.
  • Entre les villes moyennes, et des villes moyennes vers les métropoles, développer une offre ferroviaire de qualité. L’idée n’est ni d’aller très vite, ni de rejoindre Paris, mais de créer un réseau de trains fréquents et fiables. Exemples : dessertes Orléans-Châteauroux, Bourges-Tours, Tours-Orléans, Toulouse-Lourdes-Tarbes-Pau-Bayonne, Angoulême-Saintes-Poitiers. La fréquence minimale pour en faire un transport en commun du quotidien est d’un train omnibus toutes les heures, et un direct toutes les deux heures.

En matière de vie urbaine désirable

  • Donner à chaque ville moyenne l’ambition d’être un exemple de ville de la proximité et du soin, avec et pour autrui.
  • Favoriser un maillage paysager par la plantation d’arbres ou la création d’espaces plantés denses non pas au gré de démolitions opportunistes mais d’une stratégie à long terme de restructuration des espaces publics (Cf. plan Canopée de la Métropole de Lyon).
  • Refaire la ville sur la ville : proposer des primes à la rénovation de bâtiments existants tout en renforçant la multiplicité de leurs usages (bureaux, logements, tiers lieux), autoriser la transformation de certains locaux commerciaux en logements, réadapter les logements aux structures de vie (découper les trop grands logements), renforcer dans les PLH et PLUi la reconstruction de la ville sur la ville afin de limiter la construction de maisons neuves, réactiver la loi permettant aux collectivités de préempter les « biens sans maîtres », réduire les frais de mutation quand on achète de l’ancien dans les villes moyennes, réutiliser les friches urbaines pour en faire des lieux patrimoniaux combinant la mise en valeur de l’histoire de la ville et de nouveaux usages actifs, privilégier les boucles locales dans les opérations de rénovation (utilisation de matériaux locaux et écologiques, déconstruction et réemploi, formation des acteur·rice·s).
  • Densifier la ville et les centralités de l’archipel. Par exemple, utiliser le foncier immense et déjà artificialisé des zones commerciales pour diversifier les fonctions, notamment pour y construire des logements. Faire muter les zones commerciales en zones constructibles. Favoriser les expérimentations pour d’autres usages des espaces commerciaux obsolètes ou en voie d’obsolescence. Pour celles et ceux qui ne vont pas aller en ville, imaginer un habitat plus dense, avec des maisons en bandes par exemple : une meilleure densité avec moins d’occupation des sols, les jardins utiles pour du petit maraîchage, trame non obstruée.
  • Appuyer, encourager les politiques de redynamisation des cœurs de bourg [10]. Son corollaire : s’opposer à l’extension péri-urbaine : interdire l’ouverture à l’urbanisation de nouveaux secteurs U ou AU sur des terres agricoles, interdire les constructions de zones commerciales supplémentaires, indexer la taxe foncière sur la surface des terrains et non sur les surfaces de plancher.
  • Favoriser le BIMBY [11] pour densifier le périurbain, intensifier les usages, tout en répondant au souhait de maison avec jardin de certain·e·s.
  • Mettre en place le mobiliscore [12] et les bonus-malus associés, permettant aux villes moyennes de favoriser la densité urbaine dans les opérations de construction, au détriment du mitage du territoire
  • Multiplier dans les centres des petites villes et des villages de l’archipel, des structures légères, habitats partagés, béguinages [13] pour accueillir les séniors : maisons de 10 à 20 résidents, avec des espaces partagés, des chambres invités, de la téléassistance. Réserver les structures plus importantes pour les centres villes, avec des employés, de type EHPAD. Faire venir les seniors dans les centres-bourgs participe à leur revitalisation et à créer une dynamique autour des métiers du soin, le principal sujet les concernant n’étant pas celui de l’investissement immobilier mais celui des soignants et des accompagnants.
  • Dans les centres-villes, développer des hôpitaux ou des projets basés sur le modèle des centres de santé participatifs [14], (favoriser l’expérimentation du modèle), développer la présence de médecins, aides et assistances, infirmier·e·s, auxiliaires de vie. Demander un engagement fort de l’État dans les villes moyennes pour le développement du médical et de l’associatif, via le développement des centres de santé, lieux professionnels collectifs permettant échanges et entraide entre les professionnel·le·s, et via le développement de l’offre de soins et d’accompagnement.

Au cœur : les habitant·e·s

  • Comme grands principes pour l’action – Ici se croisent les propositions qui s’adressent aux populations, sans oublier les plus modestes. Faire confiance aux habitant·e·s pour trouver et mettre en place les solutions qui leurs conviennent. Une politique écologiste des villes moyennes est d’abord et avant tout une politique qui s’inquiète de l’amélioration du cadre de vie et du bien-vivre des plus précaires et des plus contraints.
  • Utiliser la connaissance du territoire et la possibilité de lien pour développer de réelles pratiques de co-construction des projets locaux de la ville : projets urbains, choix de politique locale et une culture commune des décisions publiques. Créer une charte d’engagement des villes moyennes pour la contribution citoyenne, en y présentant les grands engagements. Outiller les citoyen·ne·s : libérer la donnée publique, organiser des présentations des acteur·rice·s locaux·ales, des circuits de décision, des grands enjeux des décisions, doter les équipes municipales de réels moyens de formation et de partage de savoir.En profiter pour porter la parole sur la pédagogie, l’éducation populaire, l’éducation à la protection de l’environnement, donner envie aux habitant·e·s d’une ville écologiste heureuse.
  • Pour les Quartiers identifiés en Politique de la Ville (QPV), impliquer systématiquement et en priorité ces territoires dans une dynamique de circuits courts et de proximité, avec des solutions solidaires (tarifs réduits, épiceries solidaires, supermarchés participatifs, etc.) afin que les populations pauvres et parfois mêmes marginalisées soient également bénéficiaires de la reconnexion avec une agriculture de proximité et une alimentation financièrement abordable et de qualité. Regarder en priorité les QPV dans les zonages pour la création de ZMP.
  • Dans la continuité, inciter à la prise en compte des droits culturels [15] dans les villes moyennes, avec une obligation de prise en compte dans les QPV. Les droits culturels considèrent que chacun·e a le droit d’accéder à la culture et à une éducation, qui respectent leur identité culturelle, qui peut d’ailleurs être multiple. De fait, chacun·e est dépositaire de connaissances et de savoirs qu’il peut mettre en œuvre ; les États et leurs institutions doivent non seulement les respecter, mais aussi les aider à les réaliser. Il s’agit donc de s’appuyer sur le pouvoir d’agir des populations présentes, que les politiques publiques considèrent leurs connaissances et leurs compétences comme une part réelle des solutions à leur mieux-vivre. Par exemple, sur l’alimentation locale, il s’agira d’inciter à l’apprentissage de pratiques culinaires vertueuses pour la santé et l’environnement en prenant en compte les connaissances, compétences et traditions en la matière des populations déjà présentes. Il s’agit de faire coexister et coopérer les pratiques plutôt que de les surplomber avec celles d’une culture prétendument “dominante”. Ce principe peut s’appliquer à de multiples thématiques, idées, pratiques : jardins partagés, aménagement de l’espace public, mobilités, etc. Le principe d’application des droits culturels est source de richesses dans les idées, de valorisation des populations et de vivre-ensemble.
  • Instaurer un droit à l’expérimentation, notamment dans le cadre de l’aménagement et de la réfection d’espaces publics. Il s’agit par exemple de laisser la possibilité aux citoyen·ne·s d’être accompagné dans des démarches d’urbanisme temporaire [16] où iels seraient co-acteur·rice·s de l’idée jusqu’à la conception : aménagements temporaires réalisés par les habitant·e·s eux-mêmes avec des matériaux de récupération, chantiers participatifs pour certains aménagements, ateliers participatifs, idées de tout type de population (femmes, enfants, PMR, etc.) dans leur pratique de la ville actuelle et souhaitée, etc. Ce point s’accompagne obligatoirement de la mise en œuvre de moyens pour la participation citoyenne : médiateur·rice, réunions et ateliers à des créneaux horaires accessibles au plus grand nombre, implication des agent·e·s techniques des collectivités pour accompagner aux différentes réalisations, etc.
  • Repenser les espaces publics afin de les rendre accessibles, sûrs, et agréables pour les personnes les plus fragiles : enfants, familles, personnes avec un handicap, personnes âgées. Créer des espaces agréables, végétalisés, marchables, cyclables, commerçants et de loisirs, afin de faire vivre la ville. Cette façon de concevoir les espaces publics rendra la ville agréable pour tous.
  • Réformer la loi SRU ou poser un cadre complémentaire (PLUi, PLH, etc.) pour obliger à une réelle mixité dans la ville en termes de typologies comme de catégories de logements sociaux afin de contrer l’effet de concentration de populations pauvres à certains endroits.


Cette motion n’aborde pas ou peu les sujets suivants : la loi Zéro Artificialisation Nette et son application dans les villes moyennes, les villes touristiques, la production locale d’énergie renouvelable, le réseau logistique, les PME et le développement économique et son impact en termes d’urbanisme, les villes moyennes low tech. Elle n’aborde pas non plus la question de l’équilibre global du territoire, en lien avec les métropoles. Cette motion sera complétée par une nouvelle version portant ces sujets, puis par d’autres ; la motion, comme les idées, étant un organisme vivant et évolutif. 


Notes :

[1] Observatoire en Réseau de l’Aménagement du Territoire Européen

[2] Il est à noter que ni l’ampleur ni la pérennité de ce mouvement ne sont mesurés de façon fiable à ce jour. Voir l’étude de France Stratégie : “La revanche des villes moyennes, vraiment ?”

[3] Utopies – Étude sur l’autonomie alimentaire des villes

[4] Capital – +4,9% en 2021

[5] Quartier Politique de la Ville

[6] Voir l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires

[7] Solidarité et Renouvellement Urbain

[8] Voir Baromètre de l’Agence Bio

[9]  Voir la fiche Pôle Agricole de Proximité

[10] Programme Action Cœur de Villes

[11] Build Im My BackYard (construire dans mon jardin) concept d’urbanisme visant à la densification des espaces résidentiels pavillonnaires

[12] Mesure développée par la Commission Transports de EÉLV

[13] « Le pavillon est dépassé, ils choisissent l’habitat collectif »

[14] Banque des Territoires – Vingt-six structures retenues pour préfigurer la « santé participative » et un nouveau cahier des charges

[15]  Note d’introduction aux droits culturels

[16] L’urbanisme temporaire, un levier d’action pour la fabriquer la ville