Zéro artificialisation nette : pour une véritable politique d’aménagement et d’urbanisme
Partager

Retrouvez ci-dessous la motion adoptée en conseil fédéral des 1er et 2 juillet 2023


Exposé des motifs

20 000 à 30 000 hectares de terres sont artificialisés chaque année en France, soit deux à trois fois la taille de Paris. Pourtant, les sols remplissent de multiples fonctions qui nous sont vitales : régulation du cycle de l’eau, absorption du carbone et de la chaleur, refuges de biodiversité, qualité agronomique… Leur artificialisation renforce et accélère les effets du dérèglement climatique tout en augmentant notre vulnérabilité collective. L’artificialisation des sols est également un des facteurs directs les plus importants de l’effondrement de la biodiversité.

68% des sols artificialisés le sont pour construire des logements et 30% pour le développement économique. Ces chiffres sont particulièrement alarmants puisque la dynamique d’artificialisation des sols est quatre fois plus rapide que l’évolution de la population, et se concentre dans les zones où la demande de logement est faible (70 % de l’artificialisation s’observe dans les communes où la tension locative est faible, et 20 % dans des communes dont la population décroît).

En janvier 2020, suite aux propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat, la loi dite « Climat et Résilience » (juillet 2021) fixe l’objectif de cesser toute artificialisation des sols à l’horizon 2050, tout en laissant la possibilité de compenser les impacts résiduels. Cette mesure ne signifie pas un arrêt total des constructions. Le « NETTE » est le résultat d’un bilan de l’artificialisation et de la désartificialisation.

Néanmoins, Les élus locaux sont démunis face aux trajectoires à mettre en place pour atteindre l’objectif du ZAN. Des objectifs quantitatifs généraux sont fixés par l’État sans prendre en compte les différentes typologies de territoire, leurs dynamiques démographiques et leurs besoins. Cette loi illustre le désengagement de l’État, qui se décharge sur les collectivités territoriales en leur laissant la responsabilité de définir les objectifs locaux de réduction et de les piloter, ce qui entraine de fait une mise en concurrence des territoires entre eux.

Par ailleurs, l’État ne s’applique pas à lui-même les objectifs de réduction de consommation des espaces naturels agricoles et forestiers, puisqu’il poursuit les Grands Projets Inutiles. Enfin, aucun moyen supplémentaire, que ce soit financier ou d’ingénierie, n’est donné aux collectivités pour atteindre ces objectifs.

Pourtant, le Zéro Artificialisation Nette ne revêt pas les mêmes enjeux en fonction des territoires :

  • Dans les métropoles, l’enjeu majeur est de concilier réponse à la crise du logement et amélioration du cadre de vie et de la résilience (notamment par la renaturation). Il faut pouvoir construire dense à certains endroits et notamment sur les friches pour renaturer ailleurs, mais aussi transformer des zones tertiaires, d’activité ou commerciales d’un autre temps. La maîtrise du foncier, le portage financier et l’ingénierie de projet sont de véritables défis qui nécessitent d’importantes ressources et moyens humains qui ne sont aujourd’hui pas du tout à la hauteur des enjeux (cf la MIE « Paris à 50°C »).
  • Dans les villes petites et moyennes, au-delà de problématiques similaires sur les zones industrielles et commerciales, il s’agit d’enrayer le développement des zones pavillonnaires en regénérant et ré-enchantant leurs centres-villes.
  • Dans les territoires ruraux, le mitage du territoire et la perte de biodiversité touchent du doigt à la fois notre modèle agricole – peu rémunérateur pour les petits agriculteurs poussés à chercher des ressources complémentaires, sous-valorisant la valeur réelle des sols – et le manque criant d’accompagnement et de contrôle par les collectivités et l’Etat qui permettraient un développement harmonieux et la régénération des villages et bourgs.
  • Dans les territoires touristiques littoraux et de montagne : l’enjeu est de concilier habitat pérenne et accessible pour les locaux, tourisme durable et préservation de la nature.
  • Enfin, certains territoires d’Outre-mer comme la Guyane ou Mayotte connaissent à la fois une forte pression démographique et migratoire associée à un manque d’infrastructures publiques qui rendent l’objectif ZAN peu opérationnel et renforcent le sentiment de déconnexion et d’abandon.

En décembre 2022, les sénateurs ont déposé une proposition de loi transpartisanne, fruit d’une mission de contrôle lancée en octobre 2022. Cette proposition de loi assouplit largement la mise en œuvre du ZAN et a été adoptée le 16 mars 2023.

En juin 2023, cette proposition est en discussion à l’Assemblée nationale. Il s’agit d’être extrêmement vigilant aux attaques des industriels et du ministère de l’Économie, qui œuvrent à assouplir le ZAN dans le contexte de la future loi sur l’industrie verte.

Motion

  • L’objectif de Zéro Artificialisation Nette doit être défendu, face aux menaces de détricotage et d’inaction complice du gouvernement. Certaines propositions claires et immédiates peuvent être portées par EÉLV au niveau parlementaire pour lutter contre l’artificialisation inutile tout en assurant un juste développement des territoires :
    • Empêcher les nouveaux développements de surfaces commerciales et de bureaux lorsque la vacance locale est supérieure à 10%, pour favoriser les transformations tout en luttant contre les projets financiers (cf la Défense, ou les centres commerciaux géants) ;
    • Interdire dès à présent les lotissements de moins de 20 logements à l’hectare, pour favoriser les maisons mitoyennes tout en préservant la possibilité d’avoir un jardin de 200 à 300 m². Plus de la moitié des lotissements ont une densité de moins de 8 logements à l’hectare quand les cœurs de bourg ont une densité de 100 logements à l’hectare (source CEREMA).
  • Les sols doivent être considérés pour ce qu’ils sont : vivants, et constituant un patrimoine commun. Les sols ne peuvent plus constituer uniquement une rente foncière et être la variable d’ajustement des projets ni une source palliative de revenus pour les collectivités.

    → En vue des prochaines élections, notamment les européennes très proches, EÉLV doit pousser dans tous les projets et à tous les niveaux politiques en faveur d’une comptabilité écologique des sols, avec une prise en compte réelle des impacts multiples de leur destruction sur le long terme.
  • Il est nécessaire de renforcer notre récit sur la forme que prend un habitat écologique, qu’il s’agisse d’un cœur de village, d’une ville ou d’une métropole. Les formes urbaines que nous connaissons aujourd’hui – les zones monofonctionnelles pavillonnaires, d’activité, commerciales, tertiaires, mais aussi l’habitat « mité » – sont des phénomènes récents, très occidentaux et liés intrinsèquement au développement de la voiture. Ces formes récentes sont aussi le fruit d’une culture individualiste, consumériste, croissantiste et capitaliste, davantage que d’une culture émancipatrice.

    → En préparation des prochaines élections locales comme nationales et donc pour la fin 2024, EÉLV doit s’organiser pour constituer une base d’exemples vertueux et heureux avec témoignages, films, fiches projets et tout autre support pertinent, portés par des élus écologistes en France et ailleurs, pour constituer un discours fort et cohérent où chacun puisse se projeter au-delà des mots et des concepts. Un programme de communication ambitieux et une véritable mise en réseaux des élus sont à prévoir.
  • EÉLV défend la vision d’un Etat qui assume financièrement et politiquement, copilote et accompagne les collectivités dans une application intelligente du ZAN. Nos élus parlementaires, en coordination avec les élus locaux doivent pousser l’Etat à :
    • Mettre la priorité absolue, financière et en ingénierie, sur la rénovation et le recyclage urbain, notamment là où ce n’est pas rentable comme les cœurs de bourgs et de villes moyennes, pour les rendre attractifs face aux constructions neuves extensives ;
    • Permettre aux collectivités de se saisir massivement des friches, pour les aider à les renaturer ou les construire, selon les configurations locales. Le Fonds friches, qui ne vise qu’à équilibrer des opérations triées sur le volet, est largement insuffisant ;
    • Transformer les zones tertiaires, commerciales et d’activité en zones mixtes, par une évolution du Code de l’Urbanisme mettant fin aux zones où le logement est interdit, et la mise en place d’outils de portage opérationnel et financier de ces transformations ;
    • S’appuyer sur les régions pour tisser de nouvelles dynamiques et solidarités entre métropoles, villes moyennes et territoires ruraux en les mettant en réseau plutôt qu’en concurrence : plans de transports en commun ambitieux, déconcentration des équipements publics et culturels, synergies économiques permettront de rendre les territoires non-métropolitains plus attractifs et diminuer la pression foncière sur les métropoles ;
    • De façon générale, renforcer les services déconcentrés de l’Etat accompagnant les collectivités.
  • Enfin, toujours en vue des prochains élections, EÉLV doit préparer un projet de réforme de la fiscalité locale. Les collectivités ont vu leurs leviers fiscaux progressivement supprimés (taxe professionnelle, taxe d’habitation…). Il faut leur redonner les moyens d’une action efficace, et réduire les dépendances aux appels à projets et subventions de l’Etat.

Photo credit: fdecomite on VisualHunt.com