Le logement social, pilier de la protection sociale et de la solidarité nationale
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Motion soumise au Conseil Fédéral d’Europe-Ecologie-les-Verts par la Commission thématique Habitat-Urbanisme coconstruite avec les sénateurs du Groupe Écologiste du Sénat : Jacques Fernique (sénateur du Bas-Rhin), Daniel Salmon (sénateur d’Ille-et-Vilaine), Guy Bénarroche (sénateur des Bouches-du-Rhône), Fabien Duquesne pour Guillaume Gontard (sénateur de l’Isère), Eléonore Piot pour Monique de Marco (sénatrice de Gironde).

Cette motion a été adoptée par le conseil fédéral des 14 et 15 mai 2022

Exposé des motifs

Le marché du logement

Le marché de l’immobilier résidentiel est très segmenté au niveau territorial avec un déséquilibre structurel de l’offre et de la demande très variable et une échelle de prix variable grosso modo de 1 à 3 en termes de loyer et de 1 à 4 en termes de coût d’acquisition selon les régions et les bassins d’emploi. La dispersion est plus forte en valeur patrimoniale qu’en valeur locative. La rentabilité du capital immobilier lié au loyer a tendance à diminuer dans les zones fortement attractives dans lesquelles les gains en plus-value sont d’abord recherchés.

Cette variation des prix de l’immobilier dépend principalement de l’attractivité économique et résidentielle des territoires. Elle a fortement augmenté depuis le début des années 2000, marquée par l’irruption dans les marchés financiers mondiaux d’énormes quantités de liquidités provenant dans un premier temps des pétrodollars, puis de l’émission dans des volumes incommensurables de monnaie par les principales banques centrales. En effet, pendant plus de 50 ans, le rapport entre le prix de l’immobilier et le revenu disponible des ménages a évolué au sein de marges constantes.

L’investissement immobilier a cette caractéristique d’être une valeur de placement considérée comme sûre par rapport aux actifs financiers. Le marché de l’immobilier repose donc en grande partie sur un calcul d’anticipation d’autant plus marqué dans un contexte d’incertitude économique et sociale. C’est notamment devenu une épargne de sécurité pour la retraite (baisse de revenu) et la fin de vie (coût de la dépendance). Cette approche, dominante dans l’esprit de nos concitoyens et chez les professionnels de l’immobilier, entre en contradiction avec la dimension d’intérêt général de tout logement.

Le statut de propriétaire occupant est aujourd’hui majoritaire (58%). L’encouragement des gouvernements successifs à l’investissement locatif a produit un nouveau parc locatif dont l’évolution sociale est à suivre avec attention avec la création de nouveaux quartiers « sensibles » constitués notamment de zones pavillonnaires en périphérie des villes. Cette stratégie a contribué à alimenter l’étalement urbain avec le modèle dominant de l’habitat individuel. Par ailleurs, la stratégie patrimoniale des propriétaires bailleurs et des propriétaires occupants n’est pas la même. Les premiers sont attachés au rendement de leur investissement, les seconds à la qualité de leur cadre de vie. Cela se traduit par des conflits au sein des copropriétés au détriment du bon état des immeubles.

Les investissements locatifs largement subventionnés par l’État n’ont pas réduit les tensions et les inégalités territoriales avec, parfois, une vacance de ce type de logement dans certains territoires. Les niveaux de loyer sont limités par les ressources de la clientèle potentielle et ne permettent pas forcément d’équilibrer la dépense d’investissement au moins à court terme, le bonus étant essentiellement fiscal.

La question de l’habitat dégradé et insalubre reste prégnante dans les centres villes anciens mais aussi dans les bourgs ruraux. En Ile de France, l’apparition d’une demande de logements temporaires liée au développement du travail détaché contribue à la transformation plus ou moins clandestine d’un habitat ancien en chambres louées à plusieurs lits, minimisant les coûts pour les entreprises qui doivent en principe assumer l’hébergement des salariés concernés.

Les résidences secondaires sont un marqueur social fort en termes de standard de vie. Il permet de définir le statut de « couche moyenne supérieure » par rapport au statut de couche moyenne qui peut de définir par une capacité d’épargne suffisante et donc d’accumulation patrimoniale pour acquérir sa résidence principale. Les résidences secondaires constituent un élément important de l’économie locale des territoires peu denses (pour ne pas dire ruraux) dans un rayon de 100 à 200 km des métropoles.

L’habitat touristique a pris, avant la covid, une grande importance avec le développement de la demande nationale et internationale et des plates-formes de réservation jusqu’à faire basculer une partie de l’offre immobilière vers une formule plus lucrative notamment à Paris.

Le parc de logement vacant selon la dernière enquête de l’INSEE s’élevait à 3,116 millions de logements en France (hors Mayotte) sur près de 37 millions de logements, 30, 261 millions de résidences principales, et 6,650 millions de résidences secondaires et occasionnelles. La vacance est d’autant plus forte en pourcentage dans les régions en dépression démographique marquée par la désindustrialisation. La qualité et le statut de ces logements sont très variables. Pour une grande part, ce sont des logements « hors marché » ou en indivision.

Il est clair que l’économie de l’habitat résidentielle est indissociable de la fiscalité immobilière qui interfère sur la « rentabilité » de l’investissement immobilier. Cela concerne donc la taxe foncière et les taxes sur le patrimoine immobilier (impôt sur la fortune, droits de mutations, droits de succession).

La part du logement dans le budget des ménages

La part du logement et des dépenses annexes comme l’énergie n’a cessé d’augmenter dans le budget des ménages depuis des décennies. C’est l’essentiel des dépenses dites incompressibles. Cela concerne principalement les 20% des ménages les plus pauvres, qui consacrent en moyenne 22% de leur budget au logement devant l’alimentation (18%) et les transports (14%) selon une étude de l’INSEE en 2017. A noter que les 20% des ménages les plus riches consacrent plus de dépenses pour les transports (17%) que pour le logement (15%). La question du logement est donc décisive pour le pouvoir d’achat des ménages modestes (essentiellement ouvriers et employés) mais aussi pour le pouvoir de vivre. Le différentiel de loyer entre le secteur social et le secteur privé est donc essentiel pour le standard de vie du ménage et la qualité de vie en général. De ce fait, l’accès au logement social en zone tendue constitue une véritable rente.

La part relative du logement dans le budget des ménages propriétaires de leur logement est très largement inférieure au coût subi par les locataires, abstraction faite de l’amortissement des emprunts destinés à l’acquisition et qui constitue en fait une épargne forcée pour l’acquisition d’un patrimoine et donc d’un capital qui produira une rente ultérieurement qui sera utile à l’âge de la retraite pour conserver un standard de vie acquis. A noter toutefois, qu’un bien immobilier qui dépasse une moyenne d’âge de 20 ans nécessite des travaux de réparations liés à la vétusté. A cela s’ajoute la problématique des travaux d’isolation liée à la transition énergétique.

La demande de logement social

Une demande toujours forte malgré la croissance du parc
→ Actuellement un tiers des ménages ne sont pas propriétaires et peuvent prétendre à un logement social compte tenu de leurs revenus.
→ En 2020, les organismes Hlm ont mis en chantier 70 500 logements neufs et logements-foyers.
→ Environ 8 % du parc a également été proposé à la location par mobilité des locataires.
→ En 2020 412 000 familles ont emménagé, soit dans des logements neufs, soit dans des logements libérés par leurs occupants.
→ Fin 2020, on estimait à 2,2 millions, les demandes de logements HLM non encore pourvues, dont 730 000 demandes de ménages déjà locataires Hlm.
→ En 2020 les logements vacants (y compris la vacance technique due aux projets de démolition, aux travaux ou à la rotation du parc) représentaient 4,8 % du parc total géré, avec de fortes disparités suivant la localisation.

La demande de logement social, qu’il s’agisse des primo demandeurs ou des demandes mutations, s’accroît plus vite que le nombre d’habitants et le nombre de ménages. Cela révèle un « goulot d’étranglement » qui s’aggrave tous les ans. Cette pénurie contribue à aggraver les inégalités sociales. Le déficit en stock de logements sociaux locatifs peut être estimé, a minima, à 1 million d’unités d’habitation. Le mérite du rapport sur la demande de logement social présenté au congrès de l’USH est d’identifier clairement les besoins en termes de territoires et de besoins spécifiques liés notamment à l’âge et à la mobilité professionnelle. Cela implique une politique de programmation et de financement mieux ciblée en lien étroit avec les collectivités territoriales.

Répondre à cette pénurie structurelle ne saurait être résolue par une offre par le haut du marché aujourd’hui encouragée par le gouvernement qui poursuit le dogme libéral du « tous propriétaires » avec à la clef la vente du patrimoine locatif social. Il faut relancer prioritairement le logement très social en diversifiant l’offre selon les publics et les besoins. C’est notamment le cas pour le logement étudiant en lien avec les CROUS mais aussi le logement pour les personnes en situation de handicap.

La crise sanitaire avec les séquences successives de confinement a conduit à instaurer le travail à domicile obligatoire, imposant une nouvelle façon de concevoir le rapport travail/domicile. Cela interroge la question d’une offre de logement adaptée incluant un espace privatif professionnel. Les employeurs en lien avec Action logement doivent intégrer cette nouvelle dimension ; l’adaptation du logement au travail à domicile ne doit pas reposer sur les seuls locataires salariés au détriment de leur cadre de vie personnel et familial.

Le logement social est aussi en première ligne pour répondre à la demande croissante liée à l’instabilité familiale, à l’augmentation des ménages monoparentaux et malheureusement à la montée des violences conjugales et familiales. Le mouvement HLM doit clairement s’engager pour répondre à l’urgence sociale des situations de conflits et de dangers pour les femmes victimes de violences et de menaces. Les services publics et principalement la Justice doivent accompagner cet engagement pour mettre fin aux situations d’insécurité juridique découlant des procédures trop longues en complet décalage avec l’urgence de situations.

Le patrimoine social

Le logement social avec 4.7 millions de logements et 350 000 logements-foyers est très inégalement réparti sur les territoires sans être forcément en cohérence avec la demande locale. La vague d’urbanisation des années 60 et 70 a produit un parc social concentré dans les ZUP souvent imposées par l’État central selon un modèle urbain standardisé que l’on retrouve dans le monde entier. 30 % des logements sociaux sont dans les « Quartiers Politique de la Ville ». C’est aussi un marqueur politique entre la gauche et la droite. Par ailleurs, le financement par le 1 % logement puis le 1/9 immigrés va structurer le peuplement de nombreux quartiers en lien avec l’emploi industriel, principalement la sidérurgie, l’automobile et le BTP d’autant que les ZUP ont été conçues pour l’accueil familial, la moitié des logements étant en général des F4 et F5. La crise dans ces secteurs va évidemment avoir des conséquences sociales sur les habitants de ces quartiers à partir des années 80 et 90. Ce sera le fonds de commerce de la politique de la Ville ou de la politique « des quartiers ». Encore aujourd’hui le « stock » disponible de grands logements se situe majoritairement dans les « Quartiers Politique de la Ville » d’autant que les seuils de la loi SRU ne définissent pas la typologie et la catégorie des logements incitant les collectivités territoriales à privilégier les petits logements, le logement étudiant, le logement intermédiaire et à exclure le logement familial très social. L’offre de logements sociaux est par ailleurs trop segmentée par types de public, modes de financement et modes de gestion administrative sans pour autant être adaptée aux évolutions de la société (mobilité résidentielle liée à la mobilité professionnelle, séparations conjugales, handicap lié à un accident de la vie et/ou problème de santé, vieillissement, isolement). On continue à opposer et à cloisonner logements d’urgence, logements provisoires, logements de longue durée. Il y a une quasi-absence d’offre sociale hôtelière, de meublées ou de logements « équipés » avec une « offre complète » couvrant les services annexes au logement (assurance, abonnements et branchements divers, Wi-Fi) qui constituent autant d’obstacles à l’accès à un logement autonome dans le conditions de vie aujourd’hui « standard ».

L’occupation du patrimoine social

Avec 18 % des ménages, le parc social accueille environ 10 millions de personnes. 61 % des ménages logés ont des ressources inférieures aux plafonds de ressources d’accès au PLUS (logement social standard). C’est aussi le seuil d’accès au PLAI (logement très social). Un tiers des locataires HLM ont des ressources inférieures au seuil de pauvreté national contre 14 % en moyenne nationale. Un locataire sur deux bénéficie de l’APL en diminution du fait des réformes Macron. Les familles monoparentales représentent 22 % des locataires contre 10 % en moyenne nationale. La part des locataires ayant des ressources dépassant les plafonds de ressources est de 3 %.

Les grandes tendances de ces trente dernières années se sont accentuées avec toutefois des disparités fortes selon les territoires et les marchés immobiliers locaux. Il est apparu une vacance structurelle du parc social dans les zones de faible tension et de faible coût de l’immobilier, l’accession à la propriété, par ailleurs encouragée par les pouvoirs publics, constituant une alternative concurrente attrayante pour le public le plus solvable. La part des propriétaires occupants atteint les 80 % dans certaines régions notamment dans l’ouest. Dans ces secteurs, le logement social s’est plutôt spécialisé dans l’accueil d’une population paupérisée avec des taux d’APL de plus de 70 voire 80 % avec le plus souvent et au mieux un seul revenu stable par ménage. Dans l’ensemble du patrimoine, la tendance accentuée dans les zones « tendues » est à la réduction de la vacance locative qui tend vers 0 et la diminution du taux de rotation qui se réduit à 3 ou 4 % par an en Île-de-France du fait de la stabilité croissante des locataires, du vieillissement de la population, la suroccupation des grands logements (plusieurs générations). Les marges d’offres liées à la rotation dans le patrimoine est de plus en plus faible, la population la plus modeste en augmentation étant captive. De ce fait, l’explosion de l’instabilité conjugale, notamment en Île-de-France, exerce une tension très sous-estimée dans le discours public. Ces tendances sont en phase avec les évolutions démographiques et sociétales et notamment la mobilité sociale, l’ascenseur fonctionnant désormais dans les deux sens. À ne pas négliger la fin de la rente de l’exode rural pour l’Île-de-France, les nouveaux retraités n’ayant plus de racines rurales et encore moins d’héritages immobiliers restent en milieu urbain et continuent à occuper leur logement avec souvent une suite pour leurs descendants en situation d’hébergés.

L’accès au logement social

L’analyse du fichier national des demandeurs de logements sociaux met en évidence les territoires où la pénurie de logement social est la plus importante, la région Île-de-France comptant à elle seule un tiers des demandeurs nationaux. À noter qu’un tiers des demandeurs sont déjà locataires ce qui traduit une inadéquation entre l’offre et la demande et la difficulté à organiser la mobilité résidentielle au sein du parc HLM. Le système d’attribution est très cloisonné et de fait inégalitaire en raison du système de réservation par contingent, chacun ayant son propre public et ses propres critères de priorité. Le contingent dit préfectoral n’a jamais joué son rôle de régulation. Les contingents pour mal logés type « accords collectifs » puis DALO sont devenus des filières spécialisées à la discrétion des services sociaux. Action logement favorise le logement des salariés des grandes entreprises qui contribuent à la collecte. Les grandes entreprises publiques comme la SNCF ont souvent leur propre patrimoine. L’État et les collectivités territoriales ont leurs propres filières d’accès pour leurs fonctionnaires. Les perdants sont les salariés des PME et des TPE, les salariés sans CDI, les temps partiels ou intermittents, les chômeurs, les personnes handicapées, les immigrés « récents » et notamment le public familial. En Île-de-France, la pression du marché a pour conséquence d’aggraver les inégalités en faveur des fonctionnaires de toutes catégories, des salariés des grandes entreprises avec par ailleurs des phénomènes d’évitement des grands ensembles principalement en Seine-Saint-Denis mais aussi le sud de l’Essonne et l’est du Val d’Oise. Le taux d’APL est inférieur à la moyenne nationale notamment à Paris et dans les Hauts-de-Seine en raison de ressources plus élevées liées à la présence de deux revenus par ménage.

Les commissions d’attribution des organismes ont juste pour rôle d’entériner les candidatures sélectionnées par les réservataires ou d’arbitrer à la marge des situations particulières. À noter le rôle des maires qui disposent de fait d’un quasi-droit de véto au cas par cas. L’APL est l’outil essentiel de solvabilisation des locataires en fonction de leurs revenus et de la composition familiale. Le Fond de Solidarité Logement devrait revenir à son objet initial, aujourd’hui détourné pour faciliter l’accès au logement et notamment financer les dépenses d’installation plutôt que d’inventer de nouvelles usines à gaz et prévenir les impayés plutôt que les traiter a posteriori.

Les acteurs du logement social

Ce sont d’abord et essentiellement les organismes HLM qui sont les opérateurs et les gestionnaires du patrimoine. Leur stratégie patrimoniale est essentiellement déterminée par « l’actionnaire de référence » qu’il s’agisse d’une entreprise, d’Action Logement ou d’une collectivité territoriale. Le secteur public des OPH (Office Public de l’Habitat) a une approche par nature plus territorialisée, les ESH (Entreprises Sociales pour l’Habitat) plus patrimoniale et donc plus opportuniste. Les lois NOTRe et ELAN qui répondaient à l’obsession ministérielle et de la Cour des Comptes de concentration des organismes HLM ont particulièrement mis à mal le secteur public notamment en Île-de-France avec des conséquences délétères sur les organisations et principalement la maîtrise d’ouvrage publique entraînant une chute de la programmation. Il en a résulté des stratégies locales « d’évitement » par transformation en Coop HLM ou en SEM avec les conséquences que l’on devine pour les personnels et les équipes de direction. La création des SAC (société de coordination) donne naissance à une nouvelle couche bureaucratique générant des coûts supplémentaires. Le secteur privé s’est concentré donnant naissance à des « géants » de l’immobilier, à l’instar de la CDC, qui ont un pied dans le logement public, un pied dans le logement privé. Les gains en termes d’économies d’échelle n’ont jamais été démontrés au vu des comptes des organismes. Pour la seule Île-de-France, le nombre d’OPH va passer en moins de dix ans d’une soixantaine à 19 à la fin 2022.

Les organismes HLM constitue « une famille» issue de l’histoire du logement social depuis la fin du 19ème siècle avec pour origine le logement ouvrier créé par le patronat « social », le mouvement mutualiste et coopératif et plus tardivement, à partir de 1912, (loi Bonneval) le secteur public des Offices publics d’habitations bon marché (HBM) ancêtres des OPHLM puis des OPH rattachés aux Collectivités territoriales. L’USH fédèrent aujourd’hui :

  • 202 Offices publics de l’Habitat
  • 175 Entreprises sociale de l’Habitat liées pour l’essentiel à Action logement
  • 162 Sociétés coopératives HLM en forte progression au détriment des OPH
  • 54 SACICAP (Sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété).

Soit au total 593 organismes animés par 12 000 administrateurs bénévoles et 82 000 salariés.

Le poids économique du logement social

En 2019, il représentait :

  • 14,4 milliards d’euros d’investissement
  • 21,3 milliards d’euros de loyers et 5,3 milliards de récupération de charges locatives.
  • 3,2 milliards de dépenses d’entretien soit 15 % des loyers
  • 8.5 milliards d’euros affectés aux annuités de la dette (intérêt plus capital) soit 40 % des loyers.
  • un en-cours de dettes financières liées à l’investissement locatif de 154,6 milliards d’euros.

Un modèle économique performant qui répond aux critères de l’économie solidaire.

Le logement social répond à l’exigence de solidarité de trois manières : dans le temps, l’investissement d’aujourd’hui répond aux besoins de demain, au niveau des territoires en participant à leur développement équilibré en termes d’habitat, aux niveaux des locataires en mutualisant les risques sociaux et les coûts de production et de gestion. Les excédents de gestion sont réinvestis dans l’objet social des organismes. La transformation de l’épargne populaire (livret A) en prêts à long terme jusqu’à 50 ans permet un adossement financier pérenne selon un cycle financier vertueux, les loyers garantissant un amortissement sécurisé, la rémunération de l’épargne et le coût de gestion bancaire. Dans les conditions fiscales d’aujourd’hui, (exonération de l’IS, exonération ou dégrèvement partiel de la Taxe foncière, taux réduit de TVA), tout en respectant les plafonds de loyer, les organismes HLM génèrent un autofinancement autorisant une marge de manœuvre de développement qu’il serait irrationnel de remettre en cause pour renflouer les déficits publics. De ce point « l’invention » de la Réduction de Loyer de Solidarité vise clairement à récupérer une partie des excédents de gestion pour réduire le coût budgétaire de l’APL. A noter par ailleurs que le logement social est un gros contributeur fiscal au titre de la Taxe foncière (10 à 20 % de la valeur ajoutée soit 2.5 milliards d’euros par an) et de la taxe sur les salaires (environ 6 % de la masse salariale). A cela s’ajoute la TVA, le logement étant hors champ TVA, ce sont les bailleurs qui sont les consommateurs finaux. Ils paient à ce titre la TVA sans répercussion sur les locataires d’où le mécanisme de livraison à soit même pour la construction neuve.

Le rôle des acteurs publics et privés

L’encadrement juridique et fiscal est une compétence de l’État. Il s’inscrit plus généralement dans le cadre des normes européennes sur le concept de service d’intérêt général auquel le logement social est rattaché. C’est à ce titre que le logement social est éligible à des subventions publiques et à des avantages fiscaux contrairement aux autres acteurs du marché immobilier. C’est également vrai pour le système d’épargne réglementée exonérée d’impôt (fond d’épargne gérée par la CDC) et qui permet un financement privilégié des opérations à finalité sociale. La seule différence réside dans le fait que la gestion des dépôts des épargnants est désormais ouverte à tous les établissements bancaires. La part de l’épargne à disposition des banques (30 %) a été accrue en contrepartie d’une diminution sensible de la rémunération des frais de gestion des comptes de dépôt.

Autre changement du cadre juridique, le concept de logement social n’est plus attaché à la nature juridique des organismes mais à celui de secteur d’activité. C’est ainsi que les organismes HLM sont assujettis à l’impôt sur les sociétés pour leurs activités commerciales (en général marginales). A l’inverse, la porte est ouverte au secteur privé qui peut développer une activité locative sociale ce qui n’est pas sans effet sur les stratégies du monde privé de la promotion et de l’investissement immobilier avec la création de groupe ou d’alliances actifs sur les deux marchés.

Cela s’est traduit par la généralisation de la contractualisation des rapports entre l’État et les organismes HLM sous la forme des CUS (Convention d’Utilité sociale) auxquelles sont associés, en principe, les collectivités territoriales concernées. Ces conventions définissent les objectifs à respecter en termes social et patrimonial. C’est aujourd’hui le principal moyen de contrôle de l’État sur les organismes HLM ce qui occupe les services décentralisés de l’État qui n’ont plus de financements à distribuer.

L’aide à la pierre directe de l’État depuis la baisse du taux de TVA sur la construction neuve et les travaux d’amélioration (aujourd’hui 10 % contre 20 %) et son retrait plus récent du Fond National d’Aide à la Pierre a, pour ainsi dire, disparu en dehors de quelques miettes ciblées comme le PLAI. L’État s’était par ailleurs déchargé de la compensation des exonérations de la TFPB (Taxe Foncière sur les Propriétés Bâties) sur les collectivités locales pour les nouvelles constructions ce qui n’était pas un signe d’encouragement pour la promotion sociale.

Les collectivités locales ont en fait un rôle décisif dans la production de logements en général et de logements sociaux en particulier. Le potentiel et la qualité du foncier disponible découle des politiques locales d’aménagement matérialisées par les documents d’urbanisme et de planification, principalement les PLU et les PLH. Au plan opérationnel, ce sont très souvent les ZAC ou autres dispositifs similaires qui définissent les règles du jeu et la sélection des acteurs de la promotion. De ce point de vue les enjeux des politiques locales sont bien plus décisifs que les politiques d’État. Ce sont des choix sociaux au cœur des contradictions et des conflits qui traversent les sociétés locales. Le rôle de l’État est avant tout normatif et surtout décisif en matière de fiscalité. Son rôle opérationnel est quasiment nul à l’exception de grandes opérations dites d’intérêt national comme le Grand Paris. Ce qui est décisif sur le terrain est formé par le couple collectivités territoriales / organismes HLM.

Action logement qui gère les fonds issus de la Participation des employeurs à l’Effort de Construction (0.45% de la masse salariale des entreprises de plus de 20 salariés) dispose, entre les cotisations annuelles et les « retours » de prêts, de 3 milliard € de fonds disponible par an. Elle finance au moyen de prêts sans intérêt des opérations neuves avec contrat de réservation ou des plans de financement individuels pour l’accession à la propriété. A noter qu’il s’agit de fonds gérés paritairement par les employeurs et les organisations syndicales y compris au niveau des entreprises ayant un comité social et économique. C’est une manne qui fait envie à Bercy depuis des années. Le compromis passé avec l’État a conduit à un fléchage important vers la rénovation urbaine via l’ANRU.

Motion

EÉLV, à travers le conseil fédéral, renouvelle son soutien à la défense du logement social et à son développement face aux politiques libérales mises en œuvre depuis plusieurs années et singulièrement depuis 2017 avec la baisse des APL, la diminution des ressources des organismes HLM avec la Réduction de Loyer de Solidarité, la hausse de la TVA sur les constructions neuves, la concentration accélérée des organismes HLM au détriment de la gestion de proximité et des territoires, l’ouverture du secteur social de l’Habitat au secteur privé et aux promoteurs.

Le Conseil fédéral réaffirme l’importance du droit à un logement digne et durable pour les personnes exclues du marché immobilier en raison de leurs ressources modestes. De ce point de vue, le logement social est un pilier fondamental de notre système de protection sociale et de solidarité nationale au côté de l’assurance maladie, du droit à la retraite et de l’aide sociale et familiale.

Le logement social plonge ses racines dans l’histoire du logement ouvrier, de la solidarité mutualiste et de la lutte contre l’habitat insalubre. Les écologistes considèrent, à cet égard, que le logement social s’inscrit dans la philosophie de l’économie sociale et solidaire. Le modèle économique du logement social repose en effet sur la collecte de l’épargne populaire sous la forme du livret A et sa transformation en prêts à très long terme garantis par l’État et les collectivités locales. La solidarité s’exprime également entre locataires au niveau de chaque organisme par le soutien aux locataires en difficulté. Elle s’exprime dans le temps par la participation des locataires à l’amortissement des constructions neuves qui bénéficieront aux générations futures. Elle s’exprime enfin au niveau de la solidarité territoriale par une capacité d’investissement dans les zones ou les quartiers délaissés par le marché.

Le Conseil fédéral considère que ce modèle, qui se base sur des valeurs d’économie et sociale et solidaire, doit être conforté et développé. En conséquence, il demande que l’État assume sa responsabilité de solidarité nationale :

– La sanctuarisation du financement de la construction neuve et des programmes de rénovations par le Fonds d’Épargne issu de la collecte du livret A.

– L’amélioration de la capacité d’investissement des organismes HLM avec la suppression de la RLS et la remise à niveau en conséquence des barèmes de l’APL. Les ressources ainsi dégagées devront être mutualisées en partie par le biais du Fond National d’Aide à la Pierre pour soutenir l’investissement dans des territoires et des quartiers prioritaires. Le FNAP doit être cogéré par l’USH, Action Logement et les associations de Collectivités locales.

– La généralisation à l’échelle nationale de l’expérimentation du dispositif des loyers uniques au sein des mêmes catégories de logement social pour pallier l’augmentation du poids des dépenses liées au logement au sein du budget des ménages notamment les plus précaires.

-La sanctuarisation de l’exonération de la taxe foncière pendant 25 ans des constructions neuves et sa prise en charge intégrale par l’Etat.

– Un conditionnement des aides de l’État à l’exemplarité environnementale et un abattement de 50 % de la taxe foncière sur 15 ans pour les immeubles faisant l’objet d’un programme de rénovation thermique assurant un seuil minimum d’économie d’énergie d’au moins 50 % dans le cadre de la priorité à la lutte contre le dérèglement climatique permettant ainsi de ne pas faire peser le prix de la transition écologique sur les ménages les plus précaires.

– La conservation de la nature généraliste du logement social « à la française » auquel il est attaché parce qu’il permet de changer en profondeur l’image du logement social et de lutter contre les ghettos de pauvreté. L’évolution à l’anglo-saxonne d’un parc social « à la française » où les plafonds de ressource pour y accéder permettaient à 70 % de la population d’être éligible vers un parc social dit « résiduel » réservé à la frange la plus précaire de la population, entraine, de fait, la constitution de poches de pauvreté.

Le Conseil fédéral considère que les dispositions de la loi SRU doivent être renforcées dans les zones tendues où la demande de logement social excède largement l’offre disponible. Les indicateurs sont le nombre de demandeurs relatif à la population, le taux de vacance du logement social, le taux de disponibilité lié aux congés de locataires. Ces données doivent présider à l’élaboration des documents d’urbanisme (PLU, PLH). Dans ce cadre, l’objectif d’un taux minimum de 30% doit être instauré dans les périmètres concernés.

Le Conseil fédéral s’oppose à l’interdiction de construction de logements sociaux dans les communes dépassant le taux de 40% alors qu’elles contribuent pour beaucoup à pallier les carences de nombreuses communes voisines. La mixité sociale doit être recherchée par le biais d’une majoration des plafonds de ressources dans les communes concernées.

Le Conseil fédéral demande également la sanctuarisation de la Participation de Employeurs à l’Effort de Construction (PEEC) dont la collecte est aujourd’hui gérée par Action Logement. L’assiette de cotisation doit être élargie aux entreprises d’au moins dix salarié·e·s. Il rappelle que les fonds collectés sont en principe cogérés avec les représentant·e·s des salarié·e·s ce qui suppose que ces dernier·e·s aient réellement les moyens de codécisions et donc de contrôle d’affectation des investissements et de l’usage des droits de réservations. Elle doit être également élargie aux administrations publiques et aux collectivités territoriales pour le logement de fonctionnaires et des agent·e·s public·que·s soit près de 6 millions de personnes concernées. Son utilisation doit être en concertation avec les syndicats concernés et sur la base d’une gestion transparente des investissement à et des droits de réservations. Cela représenterait, sur la base du taux actuel de 0.45% de la masse salariale, environ un milliard d’euros de recettes supplémentaires par an.

Le Conseil fédéral considère que le droit de réservation de l’État pour l’attribution des logements au bénéfice des « mal logé·e·s » doit être recentré sur les publics exclus des filières professionnelles d’attribution des logements. Outre les bénéficiaires des dispositions liées à la mise en œuvre du DALO, cela doit concerner en priorité les sorties d’hébergement d’urgence vers un logement pérenne qui constitue un véritable goulot d’étranglement du dispositif au détriment des publics en situation d’urgence sociale. La gestion en flux contractualisée entre les services de l’État et les organismes HLM doit garantir un minimum de 25% des offres de logement disponibles.

Le Conseil Fédéral rappelle une nécessaire exemplarité du logement social. En cela celui-ci rappelle le retour à la construction des logements neuf 100 % accessibles, et non « adaptables », puisque dans les faits, compte tenu des travaux et de leurs coûts, ces travaux ne sont pas faits car longs et évalués comme couteux, attribués de fait à des publics sans réels besoins d’accessibilité étayés. La règle des 100 % accessible permettrait aussi de sortir les personnes en situation de handicap de l’isolement, leur donnant ainsi la possibilité d’aller visiter familles et amis qui résident dans des logements anciens, alors qu’ils et elles y sont entravé-e-s actuellement.*

Le Conseil fédéral considère que le statut des organismes HLM doit s’inscrire dans la logique de l’économie sociale et solidaire. Les réformes successives (loi NOTRe, loi ELAN) visant à la concentration et la fusion des organismes ont contribué à déstabiliser une profession au détriment de la gestion de proximité et de la maîtrise d’ouvrage publique. L’approche territorialisée a été négligée au bénéfice d’une approche strictement financière, la seule qui compte pour Bercy, favorisant les grands groupes privés pour lesquels le logement social est un simple département spécialisé.

Le Conseil fédéral demande que le statut des organismes HLM soit renforcé par un statut unique de coopérative sans but lucratif fondé sur les principes de solidarité, d’égalité et de coopération associant investisseurs, locataires, salarié·e·s et partenaires sociaux et s’inscrivant dans le cadre du service d’intérêt général tel que défini par les directives de l’UE. Les actionnaires de référence garants de la continuité et de la pérennité financière des organismes pourraient être les collectivités territoriales ou leurs groupements, Action logement, des grandes entreprises, des investisseurs institutionnels, des acteurs du mouvement mutualiste, chaque catégorie d’actionnaires de référence étant organisée et représentée au sein de l’USH. Le secteur professionnel gagnerait en homogénéité de statut pour les personnels, une plus grande mutualisation de moyens en termes de formation et de compétence.

Finalement, le conseil fédéral demande le maintien de l’investissement des fonds publics à la hauteur de celui de la première génération des opérations (2000-2010), ainsi qu’une révision de la politique générale de l’ANRU aujourd’hui axée sur la démolition systématique lors des projets de Renouvellement Urbain (RU) et la révision des textes relatifs à l’accessibilité des logements de la loi ELAN. Un nouvel imaginaire doit être développé pour les porteurs de projets, à travers la valorisation du bâti existant et l’appréciation d’une logique de densification qualitative visant à limiter l’étalement s’inscrivant ainsi dans les objectifs de Zéro Artificialisation Nette. Pour y parvenir, EÉLV prône notamment la préservation du nombre de logements sociaux existant dans les projets de RU, la valorisation des friches à travers la mise en place d’un taux de logement social, une réévaluation de la taille des logements existants et la nécessaire participation citoyenne dans les projets de RU en amont des projets, leur permettant de prendre part dans des conditions pleines et entières. Par ailleurs, si l’ANRU peut modifier en profondeur la physionomie des quartiers par des projets ambitieux, ce ne sera que par une véritable politique sociale relative à l’emploi et la précarité économique, sociale et culturelle que l’on résoudra les problèmes de vie digne dans les quartiers.